D'une version l'autre: le Blues de l'Hôpital Saint-Jacques

Après "Juke", après "Help Me", voici ma troisième compile de versions d'un classique de l'harmo, le "Saint James Infirmary Blues". Descendons à la morgue de ce funeste hôpital Saint-Jacques pour nous laisser conter une bien triste histoire...

Louis Armstrong: la référence - Qui a composé le "Saint James Infirmary Blues" dont le trompettiste Louis Armstrong fit un classique de la musique folklorique américaine en l'enregistrant pour la première fois en 1928? La pièce est généralement attribuée à Irving Mills, un éditeur de jazz new-yorkais qui, sous le pseudonyme de Joe Primrose, produisit notamment  Duke Ellington. L'hôpital Saint-Jacques dont il est question dans cette complainte se serait trouvé à Londres. On y aurait soigné sans distinction lépreux, poivrots et syphilitiques jusqu'en 1532, année où l'institution a été fermée par le roi Henry VIII d'Angleterre. Dans le clip --scénarisé-- que je vous propose ici, "Satchmo" livre la version de référence d'une pièce qu'il a reprise par la suite dans des tempi différents comme ici sur "Saint Louis Blues", un double album publié en 2010 sous l'étiquette Masters Classic. Les obsèques que l'on voit célébrées dans la vidéo (à partir de 2'28") sont celles de l'acteur de Rudolf Valentino qui rassemblèrent quelque 100.000 personnes dans les rues de New York en août 1926. On dit aussi que plusieurs femmes se suicidèrent ce jour-là  aux Etats-Unis...











Chris Jones et Steve Baker: la mélodie d'abord - La première version à l'harmonica que je vous propose est celle de Steve Baker, publiée en 2003 sur "Smoke And Noise" (Acoustic Music Records), deux ans avant la brutale disparition de son guitariste Chris Jones, le 13 septembre 2005. Sur un accordage en mineur naturel, Baker démontre ici d'une éclatante manière que la mélodie constitue la pierre angulaire de toute imrovisation. Le duo avait déjà publié une version de ce classique en 1995, sur son premier opus, "Slow Roll", lui aussi toujours disponible chez Acoustic Music Records.




Cab Calloway: avec Betty Boop - La version du chanteur et chef d'orchestre américain Cab Calloway ne comporte pas d'harmonica mais elle est néanmoins intéressante parce qu'elle sert de trame sonore à un "Blanche Neige" en dessin animé réalisé en 1933 par David Fleischer pour la Paramount. Et dans le rôle de Blanche Neige, nulle autre que Betty Boop, la cultissime héroïne de la série de dessins animés créée par les studios des frères Fleischer.



Sandy Weltman: pour explorer les positions - La version que livre ici l'Américain Sandy Weltman donne à chacun l'opportunité de s'aventurer, avec un thème connu, dans de nouvelles positions sur notre instrument. Weltman passe ainsi en revue des 2è, 3è, 4è et 5è positions avec, pour chacune d'entre elles, la mélodie et un solo. Une manière de comparer les "couleurs" de chacune de ces positions, d'en appréhender les points forts et aussi les faiblesses. A consommer sans modération...




Filip Jers: "overbleus" en pagaïe - La version mise en ligne  en avril 2009 par le Suédois Filip Jers et son groupe "Primus Motor" constitue un témoignage de la virtuosité de ce jeune instrumentiste, premier harmoniciste à jamais avoir réussi le concours de sortie de l'Académie royale suédoise de musique. En dressant l'oreille, on notera que les "overbleus" de cet ancien élève de Howard Levy sont partout!



Preservation Hall Hot 4: un autre "cartoon" - En 2009, le "Saint James Infirmary Blues" a servi de support à un autre dessin animé, réalisé par le vidéaste louisianais James Tancill dans la veine du "Snow White" (Blanche Neige) de Fleischer. Il s'était en fait agi d'une commande du Preservation Hal Hot 4, la formation de jazz animant le Preservation Hall, le temple du jazz de la Nouvelle-Orléans fondé en 1961 par Alan et Sandra Jaffe et devenu entretemps une institution.



Christelle Berthon: souffle et passion - La version que nous propose notre Christelle nationale a été mise en ligne en juin 2012. Il s'agit en fait de la deuxième version partagée par Berthon sur le net, la première ayant été publiée sur le net en mai 2010 et se trouve ici. Comme à son habitude, la Française met toute sa passion dans ces deux tentatives.


Paul Butterfield: pour illustrer sa méthode - C'est en flânant sur le net que j'ai découvert que Paul Butterfield avait, lui aussi, enregistré son blues de l'hôpital Saint-Jacques. Apparemment, il s'agit d'un enregistrement réalisé pour sa méthode publiée en 1997. Je n'apprécie que moyennement mais il s'agit, semble-t-il, d'une perle rare. Maintenant pour ceux qui veulent entendre encore d'autres versions, le site  "Honey, Where Have You Been So Long" en propose plus d'une centaine. Bon courage...





Tendance: l'harmonica en sauce rémoulade...


L’harmonica peut emprunter des voies bien étranges. Ainsi, celle dans laquelle s’est engagé sans complexe aucun le « beatboxer »  américain Yuri Lane. Sans doute pour payer un loyer exhorbitant sur la 5ème Avenue de New York, voire d'importantes dettes de jeu contractées dans un tripot clandestin de San Francisco,  notre homme a commis en 2006 la petite perle de mauvais goût que je vous propose ici. Il s’agit d’une publicité pour la chaîne Subway dans laquelle Lane est aperçu, jouant de son instrument à travers un sandwich dégoulinant de sauce rémoulade… Le scénario du clip: Le Kid, un citadin (?) propre sur lui, s’aventure en territoire ennemi dans le Sud profond des Etats-Unis pour y conquérir sa belle, une blondasse dont on se demande bien ce qu'elle peut avoir. Et le voilà qu'il affronte, dans un duel musical assez insoutenable, des « rednecks » chevelus et crasseux. Préparez vos oreilles : ça craint !


Le Laney Cub 10: une petite brute à préparer pour la baston...

Dans les petits amplis à lampes facilement modifiables pour l'harmo, le Laney Cub 10 se révèle être une excellente surprise. A condition de changer son HP au rendement médiocre...


Rien à jeter, sauf le HP - Il y a déjà quelque temps, je vous avais présenté ici, ici ou encore là et aussi ici, un certain nombre de petits amplis à lampes facilement modifiables pour l'harmo. Au hasard de mes pérégrinations, je viens de découvrir mieux encore: un ampli de 10 watts RMS utilisable pratiquement TEL QUEL pour notre instrument pour peu que l'on consente à en changer le haut-parleur d'origine. Acheté d'occasion moins de €100,- sur Le Bon Coin (€189,- neuf chez Thomann), le Cub 10 du fabricant anglais Laney se révèle être, avec un peu de patience dans le réglage, une surprenante petite brute capable de monter à la baston avec de bien plus gros voyous que lui...

Mais avant toutes choses, la sécurité ! Déchargez les condensateurs avant toute manipulation, ne travaillez pas branché sur le secteur et n'oubliez pas que modifier un ampli rend généralement caduque votre garantie.


"Louque vintage" - Regardons la bête d'un peu plus près... L'enceinte cubique (largeur: 36,5 cm; hauteur: 35,5 cm; profondeur: 22 cm) est en bois multiplis recouvert d'un tolex noir en imitation cuir et est sertie, aux huit coins, de protections en plastique. La découpe avant est de type fenderien "TV front" et a été recouverte d'un tissu beige censé compléter le "louque vintage" de l'ensemble. L'arrière est équipé d'une grille de protection construite avec un renfoncement prévu pour le rangement du cordon d'alimentation. Sur le dessus, la poignée de transport en caoutchouc apparaît robuste et est agréable au toucher. Le panneau de commandes, peint brun chocolat, propose, de gauche à droite: un interrupteur "marche/arrêt", un témoin lumineux rouge, trois boutons de réglages blancs de type "chicken head" (tonalité, volume et gain) et deux entrées (haute et basse).
Des 6V6 plutôt que des EL84 - Bien caché à l'arrière, dans le compartiment de rangement du cordon d'alimention, on découvre une sortie de 8-16 ohms pour un haut-parleur externe. En fouillant les entrailles de la bête, on exhume deux lampes de pré-amplification ECC83 (12AX7), doubles triodes à fort gain en tension, et, surprise, deux lampes de puissance 6V6GT alors que chez un fabricant british, l'on s'attendait plutôt à trouver les habituelles tétrodes EL84 qui ont notamment contribué à forger le son Vox. Le tout délivre un honnête 10 watts RMS en fonctionnement en classe A/B.


Un HP médiocre - J'en arrive au Celestion Tube 10 GE-10-30 équipant d'origine le Cub 10. Ce qui frappe d'entrée dans ce HP de dix pouces à aimant en ferrite, c'est son rendement très médiocre: seulement 94 db pour une puissance de 30 watts annoncée par le constructeur. Or à l'écoute, les basses sont "boueuses" tandis que les fréquences moyennes-basses et moyennes sont, au mieux, indistinctes. De plus, la distorsion est assez longue à venir alors que ce nous recherchons tous sur ce type de petits combos, c'est une distorsion rapide normalement assurée par leur faible puissance. Voic ce que cela donnait....



Le Cannabis Rex: 102 db - Exit donc le Celestion... Mon pote Lucky Wiesman, bricoleur de génie et harmoniciste de BluesOn! à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), a proposé de lui substituer un Eminence Patriot Cannabis Rex,  un HP de 12 pouces avec également un aimant en ferrite mais avec une puissance de 50 watts annoncée par le constructeur et, surtout, un rendement de 102 db... La différence s'est immédiatement faite entendre:




Bobine en AlNiCo - Malgré tout, et compte-tenu du potentiel entrevu chez notre petite frappe, nos tendres petites feuilles n'étaient pas satisfaites. Lucky a alors proposé d'essayer un Weber 12A-125/0, un autre 12 pouces équipé d'une bobine AlNiCo (un alliage composé d'aluminium, de nickel et de cuivre). Avec une puissance annoncée de 30 watts, ce clone du célébrissime Jensen P12Q affiche un rendement de 106 db qui allait immédiatement faire la différence:




Palette de sons - En jouant sur les combinaisons gain/volume (volume haut et gain moyen, gain et volume à mi-course, volume haut et gain faible, etc…), nous obtenions maintenant une large palette de fréquences utilisables qui nous permettaient d’affiner tant les sons clairs que les sons saturés. Grosse pêche, belle disto et joli "crunch": la petite brute était fin prête pour la baston...

La fiche technique:
Puissance: 10 watts RMS
Classe: A/B
Pré-amplification: 2 lampes ECC83
Amplification: 2 lampes 6V6GT
Contrôles: tonalité, volume et gain
Entrées: HI et LO
Sortie: 8-16 ohms pour HP externe
HP: Celestion Tube 10 GE (10 pouces, 8 ohms)
Dimensions (L x H x P) : 365 x 355 x 220 mm
Poids : 8,25 kg
Fabrication: Chine (depuis 2009)

"Tongue blocking" pour les nuls: le TBT de Joe Filisko

Pour sonner comme Little Walter, vous avez décidé de vous mettre au "tongue blocking" avec le TBT de Joe Filisko. Vous ne connaissez pas le TBT? Eh bien, donnez votre langue au chat...


Le "tongue blocking", une technique fondamentale du blues - Comment apprendre le "tongue blocking" alors que tout se passe dans la bouche avec la langue et est, par ce simple fait, invisible? Il s'agit en effet de prendre l'harmonica à pleine bouche pour pouvoir jouer plusieurs notes à la fois et --paradoxalement-- bloquer avec la langue sur le sommier celles que l'on ne veut pas entendre, Cette technique, fondamentale si l'on veut sonner "blues", peut être expliquée. Mais peut-elle être montrée? C'est désormais possible grâce au "Tongue Blocking Trainer" (TBT) de Joe Filisko qui a eu l'idée, géniale, de perforer avec dix trous un manchon en plastique de la taille d'un harmonica diatonique. Grâce à ces trous et avec l'aide d'un miroir, il possible de voir le placement de la langue sur le faux sommier imaginé par le maître américain.
Pour "superposer" l'image au son - En reportant ce placement à l'identique sur le sommier d'un véritable dix trous et en y soufflant, tout novice peut désormais faire le lien entre deux informations, l'une visuelle l'autre auditive, dont la "superposition" est essentielle dans l'acquisition de la maîtrise technique d'un instrument de musique.



L'embouchure par défaut pour qui veut jouer du blues - "Pour un harmoniciste de blues, la langue est l'équivalent de la main gauche du guitariste", explique Filisko. "C'est elle qui fait la rythmique, forme les octaves en bouchant un, deux ou trois trous, comme le montrent les schémas ci-contre", ajoute-t-il. Pour lui, l'un des maîtres actuels du son traditionnel, le jeu lingual doit être l'embouchure par défaut. Selon lui, cette embouchure sert en outre à combattre le fameux "réflexe pharyngé" ou "réflexe nauséeux" provoqué chez certains par une stimulation inhabituelle du fond de la gorge prétendument causée par le jeu en cul de poule ou "pucker". "Lorsque je joue, ma langue ne quitte JAMAIS le sommier", affirme Filisko. Je vous avais d'ailleurs présenté ici, en son temps, cette querelle récurrente entre les "cul-de-poulistes" et les "tongue bloqueurs".



Sept vidéos sur iuoutoube - Pour en avoir personnellement bavé pendant plusieurs années lorsque s'est imposée à moi la nécessité de changer d'embouchure (je jouais alors en "bisou") si je voulais approcher, même de très loin, le son de Little Walter ou de George "Harmonica" Smith, je ne peux que conseiller le TBT que Filisko a présenté en novembre, lors des derniers "Harmonica Masters Workshops" de Trossingen. Utilisé avec un miroir grossissant, cette petite aide pédagogique devrait faire faire de rapides et importants progrès à tous ceux ayant décidé de franchir le Rubicon du "tongue blocking". Pour ceux, plus réticents à faire le pas et qui demanderaient à voir, David Barrett vient de mettre sur iuoutoube une série de sept vidéos sur le "tongue blocking". Dans la troisième séquence de la série (malheureusement seulement visionnable en angliche), il utilise le TBT pour illustrer les concepts en train d'être développés. Voici cette vidéo:





TBT pour radinsLe TBT est disponible ici au prix de 20 dollars US l'unité, port depuis les Etats-Unis en sus. Il est proposé avec un minuscule miroir et un petit "booklet" de quatre pages d'instructions (elles aussi en angliche). Néanmoins, pour les désargentés, les victimes de la crise, les radins, les oubliés de Sarko et les écolos, il est également possible de fabriquer son TBT avec la poignée d'une bouteille plastique de liquide de vaisselle. Pour cela, il suffit de suivre les différentes étapes données par ce schéma...






Vidéo de la semaine: Little Richard à huit ans... et quel talent!

Voici, découvert dans mes pérégrinations sur le net, Little Richard comme vous ne l'avez certainement jamais vu: à huit ans, le bambin interprète comme un pro "Caldonia", un classique du "jump blues" enregistré en 1945 par Louis Jordan et son Tympany Five.
De son vrai nom Richard Wayne Penniman, Little Richard est toujours en activité 67 ans plus tard. A 80 ans passés, il est toujours considéré comme l'un des pionniers du rock and roll. La courte vidéo que je vous propose ici explique pourquoi...



Deux nouvelles vidéos de Little Walter font surface sur le net


Deux nouvelles vidéos de Little Walter, filmées en Europe, viennent d'apparaître sur ioutoube: dans la première, il interprète "My Babe", dans la seconde "Mean Old World"...



Si l'iconographie de Walter Jacobs (ci-contre 4ème à partir de la gauche, entre James Cotton et Howlin' Wolf) est fournie, sa filmographie est quasi-inexistante. Jusqu'à présent, trois enregistrements vidéos effectués le 11 octobre 1967 par la télévision nationale danoise lors de la tournée de l'"American Folk Blues Festival" (AFBF) étaient disponibles sur l'internet. Dans le premier, Walter accompagne "Hound Dog" Taylor et ses Houserockers (Dillard Crume à la basse et Odie Payne à la batterie) sur "Wild About You Baby". Dans le second, il sert avec cette formation de "sideman" à Koko Taylor (aucun lien de parenté avec "Hound Dog") sur "Wang Dang Doodle". Le troisième est un instrumental, "Walter's Jump" (harmonica en Mi, 2ème position), avec (malheureusement) toujours les mêmes musiciens. Ces trois extraits se trouvent sur le troisième volume d'une série intitulée "Legends Of The American Folk Blues Festival" publié en 2009.


Récemment, deux nouvelles séquences enregistrées lors de la tournée 1967 de l'AFBF ont fait surface sur le net. Dans la première (vidéo du haut), Walter interprète "My Babe", un gospel enregistré en 1939 sous le titre "This Train (Is Bound For Glory)" par Sister Rosetta Tharpe et pour lequel le chafouin Willie Dixon, conscient de la force de la mélodie, avait écrit des paroles plus "profanes". Enregistré par Walter en 1955 (Checker #811), le titre fut l'un des plus grands succès de sa carrière en s'installant en tête des "charts" à l'instar de "Juke", le grand'oeuvre de Jacobs publié en 1952 et que je vous avais présenté ici.
Dans la deuxième séquence à présent visionnable sur ioutoube (vidéo du bas), Walter joue "Mean Old World", reprise d'un morceau enregistré en 1942 par le guitariste texan "T-Bone" Walker et qu'il avait gravé en octobre 1952 (Checker #764), dans la foulée de "Juke". Dans ces deux vidéos, Walter, qui était déjà venu en Europe avec l'AFBF en 1964, ne joue pas avec ses micro et ampli habituels. L'accompagnement de "Hound Dog" Taylor à la guitare ne ressemble par ailleurs en rien aux riches accords utilisés par Louis Myers, Robert Lockwood Jr et Luther Tucker qui jouent avec Walter sur les enregistrements Chess.